Quand elle vient à moi

Ce soir je souris, j'aime ces moments là.
Après des années d'errances, de douleurs, de doutes, maintenant je sais qu'elle ne me maîtrise plus.
Si mes yeux changent de couleurs, c'est selon mon bon vouloir, si je sens ces feulements, c'est selon mon bon vouloir.
Je la sens en moi, telle une invitée, elle ne prend plus possession de mon corps.
Je joue d'elle.
Encore ce soir, j'irai chasser. Chasser ? Le prédateur, le mâle, le mal.
Elle ne me fait plus peur, je la maîtrise.
Il faut dire, j'ai grandi, je ne suis plus la jeune insolente de 15 ans, totalement déboussolée la première fois qu'elle est arrivée.
Je ne suis plus non plus la jeune fille apeurée de 17 ans, qui veut céder à ces appels mais n'ose pas.
Et pas non plus la conne de 18 ans, qui cède aux chants des sirènes et s'en mort les doigts encore maintenant.
J'ai 23 ans, elle est toujours là, la cohabitation se fait enfin. J'ai appris à l'écouter et à la "nourrir". Oui nourrir, tout ce qu'elle veut, au final c'est exister. Je ne tue point d'êtres vivants. Mais je me bats. J'ai appris à la canaliser. Parfois je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt.
Même si c'est dur, elle est dure à canaliser. Alors, parfois, comme ce soir, je sais que les combats "restreints" ne suffisent pas. Alors je mets mon sweat noir, mes baskets et un pantalon noir et je file.
Par la fenêtre évidemment ? Enfin, du temps où je vivais sous le joug de l'autorité parentale. Maintenant je suis plus libre.
Et je vais "chercher" les ennuis. Elle me protège, je le sais. Pas de tout évidemment, mais de la plupart des petits caïds que je rencontre.
Comprenez-moi, je suis une fille, plutôt mignonne, qui se balade dans la capitale, seule à des heures indécentes, je le "cherche sale pute" comme ils disent.
Et pourtant, au fond, ce sont eux qui le "cherchent". Il l'a cherche, elle n'a plus qu'à ne plus retenir ces coups, sa force, sa puissance.
C'est comme cela que j'ai été recrutée par une armée de l'ombre. Apparemment je ne suis pas la seule. Nous assurons votre sécurité, pendant que vous dormez, bienheureux, nous chassons les monstres de sous vos lits.
Et maintenant, j'apprends même à distinguer l'autre des gens et cela m'amuse. Surtout de ceux qui ne la maîtrisent pas.
Toute cette tension, pas seulement la pulsion animale. Bien que. J'avoue et ne me jetez pas la pierre, oui j'ai déjà trompé un de mes exs pour une pulsion. Au fond, je savais que c'était la fin, avant même d'y céder. Et puis aussi, quand tu ressens une attirance, qu'elle ressent une attirance pour une autre, l'animalité prend le dessus, et ce n'est pas pour déplaire nos deux corps impatients. Lui aussi en avait une avant, depuis il m'a trouvé il l'a lâché.
Nous sommes trop proches, trop de choses nous rapprochent, on ne peut pas comprendre, pas seulement cette attraction, mais aussi tout simplement le fait d'être compris, de ne plus avoir à se cacher, à faire semblant.
Prétendre.
Finalement, ce soir, ce n'est pas mon tour de garde, tant pis. Je n'irai point "sauver le monde", un bien grand mot pour tuer quelques êtres non vivants ou bien n'appartenant pas à la classe humaine, ceux qui font parti des légendes. Nous sommes une armée, qui apprenons, contrôlons notre hôte intérieur pour vous protéger.
Dormez braves gens, ce soir même si je ne feule pas, même si je ne suis point dans les rues, ce soir un autre vous protège.
Et moi je vais retrouver les bras de mon compagnon.
Parait-il que nous étions faits pour nous trouver. Serait-ce la connerie que l'on appelle "âme sœur" ?
Je n'en sais rien, tout ce que je sais, c'est que je la maîtrise et le reste m'importe peu.
Mes yeux passent au jaune alors que je souris, il est là, ces yeux font de même. Deux bêtes heureuses de se voir, que demander de plus ?

(une énième suite de ça, ça, ça, encore ça, toujours ça, et puis ça aussi, j'avoue ça fait pas mal)